Pierre-Adrien Domon: «Fund Channel est clairement passé d’une logique de prestataire à une logique de partenaire»

Pierre-Adrien Domon et Michaël Martineau, respectivement directeur général et directeur des opérations de Fund Channel évoquent pour L’Agefi les évolutions de la filiale d’Amundi et Caceis.

 

Publié le 10 juin 2024

ARTICLE BY AGEFI Adrien PAREDES-VANHEULE

Fund Channel observe un intérêt croissant pour la décimalisation des parts d’ETF pour la clientèle des particuliers, selon son directeur général Pierre-Adrien Domon.  

 

L’Agefi : Fund Channel est une filiale d’Amundi et, depuis un an maintenant, de Caceis aussi. Comment l’entreprise a-t-elle évolué depuis ?


Pierre-Adrien Domon : Fund Channel célèbrera ses 20 ans en 2025 et s’est beaucoup développé. Depuis 2020, nous avons investi significativement, avec le soutien de nos actionnaires, pour améliorer nos solutions et délivrer un développement commercial soutenu. Notre objectif principal est cependant resté le même depuis notre création : faciliter la distribution de produits d’investissement en lien avec des distributeurs et les sociétés de gestion.

Ce qui a beaucoup changé, c’est le développement de mode de fonctionnement en architecture ouverte : il a fallu se mettre au niveau des exigences du marché sur le minimum requis et être en capacité d’être un guichet unique multi-services. Nous nous sommes positionnés pour offrir des services de conservation, de routage d’ordres car cela manquait à Fund Channel. Avoir deux leaders sur leurs marchés respectifs comme Caceis et Amundi en tant qu’actionnaire est un avantage indéniable. Pour rappel, Caceis détient une part stratégique de 33,33% tandis qu’Amundi est l’actionnaire majoritaire de Fund Channel.

 

Comment votre évolution se traduit-elle en termes de chiffres ?


Pierre-Adrien Domon : Nous avons dépassé fin 2023 la barre des 400 milliards d’euros d’actifs intermédiés contre 330 milliards en 2021 et nous continuons de progresser. Nous devrions être en mesure d’annoncer prochainement le gain de nouveaux mandats. Actuellement, nous représentons 600 gérants auprès d’une centaine de distributeurs dans une quinzaine de pays, essentiellement sur l’Europe continentale et l’Asie. En Asie, nous nous focalisons sur les marchés qui sont organisés de façon similaire à ceux de la distribution en Europe, c’est-à-dire Hong Kong et Singapour. De manière naturelle, la France, le Benelux, l’Allemagne et l’Italie restent nos marchés cœur mais nous réfléchissons également à une proposition adresser le marché espagnol. Nous envisageons aussi notre expansion en termes de produits notamment en lien avec l’essor des actifs privés et des produits structurés.

 

Sur les actifs privés, quelles sont vos synergies avec AirFund, qui a fait entrer Amundi et Indosuez Wealth Management dans son capital en novembre 2023 ?


Pierre-Adrien Domon : J’identifie trois axes forts pour Fund Channel dans cette opération. Le premier est d’utiliser l’infrastructure technologique d’AirFund pour améliorer le parcours de souscription des investisseurs dans des fonds d’actifs privés. Ce parcours, auquel on ajoute notre service de distribution, est en phase de déploiement et nous l’intégrons dans notre plateforme Diver. Ensuite, nous cherchons à étoffer l’écosystème d’AirFund, qui opère une place de marché publique pour y proposer des services de distribution. Enfin, nous avons, conjointement avec Amundi Real Assets, cette capacité à offrir des services de structuration aux clients et distributeurs pour des fonds qui leur sont dévolus comme les ELTIF par exemple.

 

Quels sont vos projets sur les produits structurés ?


Michaël Martineau : Les EMTN (Euro Medium Term Note) structurés constituent un gros sujet chez les assureurs, particulièrement en France. Nous serons très bientôt en capacité d’industrialiser le traitement des EMTN et notamment la gestion de tous les flux financiers relatifs à ce type de produits.

 

Notre plateforme dédiée aux actifs privés sera disponible à partir de début juillet 2024. Michaël Martineau

                                                                                                                         

Et sur les ETF ?


Pierre-Adrien Domon : Nous observons un intérêt croissant pour la décimalisation des parts d’ETF pour la clientèle des particuliers. Très concrètement, cela veut dire que des clients peuvent acquérir un morceau de part d’ETF en faisant des versements programmés sur leurs comptes chez leurs courtiers. Nous avons développé ce service pour un premier client retail il y a deux ans en Italie et faisons actuellement une mise à jour pour rendre cette solution plus compétitive.

 

Les offres de fonds d’actifs privés se sont beaucoup développées chez vos concurrents en vue de la « retailisation » de cette classe d’actifs…


Michaël Martineau : Il est important de développer un programme dédié à nos partenaires sur les actifs privés. Certains noms de gestionnaires d’actifs privés seront inévitablement communs entre Fund Channel et ses concurrents. Si l’enveloppe est identique, le mécanisme d’accès à la classe d’actifs diverge. Notre plateforme dédiée aux actifs privés sera disponible à partir de début juillet 2024. Nous soutiendrons nos partenaires sur la « retailisation » des actifs privés pour les aider à organiser leur distribution.

 

Vous avez lancé la plateforme Diver en février. Quel a été le moteur de sa refonte sur le plan technologique ?


Michaël Martineau : En raison du nombre de services de plus en plus nombreux déployés par Fund Channel, de l’importance croissante du digital, et afin d’améliorer l’expérience utilisateur, il fallait améliorer notre vitrine pour nos clients. Surtout, il s’agissait de donner accès à cette vitrine sans que les clients doivent parcourir tout le magasin pour trouver leurs solutions. Enfin, nous souhaitions permettre à nos clients de consommer simplement la donnée de Diver via des APIs (interfaces de programmation, ndlr) ou autres moyens. Notre objectif est de faire des livraisons mensuelles avec comme double contrainte, celle de livrer de nouvelles fonctionnalités et d’intégrer en continu les retours de nos utilisateurs.

L’un des points clés de la plateforme est l’intégration des expertises tant métiers que technologiques du groupe Crédit Agricole. Nous allons faire beaucoup de synergies sur ces deux piliers. De plus, nous sommes conscients qu’il y a de plus en plus de fintechs ou de solutions technologiques externes que les clients plébiscitent donc nous ne nous interdisons pas de les intégrer à la plateforme.

 

Est-ce pour Fund Channel le moyen d’anticiper et d’identifier de possibles fintechs disruptives ?


Michaël Martineau : Il existe des domaines très pointus dans lesquels les fintechs sont plus avancées avec leurs solutions que nous ne le sommes aujourd’hui. Nous essayons donc de voir ce que l’on peut faire ensemble. En cas de partenariat, il y a un intérêt évident pour la fintech car leur solution devient plus connue. C’est donc un cercle vertueux.

 

Dix relations avec des partenaires, c’est gérable en interne, cent relations, un peu moins. Pierre-Adrien Domon

                                                                                                                     

L’intégration de l’intelligence artificielle (IA) est-elle envisagée pour les activités de Fund Channel ?


Michaël Martineau : Elle l’est. Amundi est engagé sur ce sujet-là avec la technologie Alto. Nous nous sommes appuyés sur le socle existant chez Amundi pour refondre la plateforme Diver. L’IA va naturellement interagir sur la plateforme.

 

Pierre-Adrien Domon : Nous nous concentrons sur des cas d’utilisation précis et concrets. L’IA est un outil de productivité, qui est transformant au même titre qu’Internet en son temps.

 

Abordez-vous le sujet de la tokenisation de fonds dans les discussions avec vos clients ?


Pierre-Adrien Domon : Cela est un cas d’utilisation et nous sommes assez actifs sur cette tendance émergente. Nous devons encore définir la pertinence d’avoir une offre sur le sujet et les conditions de notre approche car les investissements peuvent être conséquents.

 

Que traduit pour vous cette externalisation croissante de certaines tâches par les gérants à des plateformes comme la vôtre ?


Pierre-Adrien Domon : L’environnement de la gestion d’actifs devient de plus en plus complexe d’un point de vue réglementaire et technologique. Les plateformes comme Fund Channel ont commencé leur essor lorsque le marché est passé en architecture ouverte. Dix relations avec des partenaires, c’est gérable en interne, cent relations, un peu moins. Il est ainsi bien plus pratique de passer par une centrale d’achat qui va gérer les contrats, KYC (vérification de l’identité client, ndlr) et autres points. Nos clients nous confient les tâches qui ne sont pas cœur pour eux. Nous observons aussi que notre capacité à accompagner nos clients dans leurs besoins en investissements est reconnue : les gérants et les distributeurs nous sollicitent de plus en plus pour partager des projets. Par exemple, nous avons aidé une banque privée présente sur trois continents à rassembler des flux de données de manière presque instantanée alors que cela leur prenait cinq jours précédemment. Fund Channel est clairement passé d’une logique de prestataire à une logique de partenaire pour ses clients.